Séminaires (maîtrise et doctorat)

French 9135
Aspects théoriques (XVIIIe siècle) :
Les Objets littéraires

Professeur Servanne Woodward
Hiver 2026

Description

Voilà que dans ce quatrième exemple du Larousse, on commence à confondre l’être vivant, l’être humain à l’objet, à lui prêter vie ; ce qui est d’autant plus troublant que les personnages littéraires n’existent pas plus que les objets du livre, excepté le livre lui-même en tant qu’objet, l’objet par lequel nous prêtons vie aux personnages et à l’univers du roman par la lecture. C’est donc le pouvoir référentiel de la lecture auquel nous nous adressons ici. Nous supposons le personnage vêtu et assis sur un siège ou debout sur un parquet, dans une maison, une voiture, etc… En 1771, dans le Dictionnaire universel de Trévoux, le mot « objet » apparait régulièrement comme une entité, un ensemble, plus ou moins abstrait : « …a pour objet… »[1] est l’expression sous laquelle nous retrouvons le plus souvent ce mot, comme dans le « Discours préliminaire » de D’Alembert (de l’Encyclopédie), où ce dernier utilise plus souvent « l’objet de » ; il s’agit alors de l’ « Objet » en catégorie « logique » développé dans l’Encyclopédie (Diderot et D’Alembert), et l’on ne trouve ni « objet » ni « chose » dans le dictionnaire de Furetière.

À l’article « Invisible » de l’Encyclopédie (vol. 8, p. 865) Diderot (l’article lui est attribué) questionne : « on n'en a nulle idée représentative. Une question difficile à résoudre, c'est si les aveugles ont des idées représentatives, & où ils les ont, & comment ils les ont. Il semble que l'idée représentative d'un objet entraîne l'idée de limite ; & celle de limite, l'idée de couleur. L'aveugle voit-il les objets dans sa tête ou au bout de ses doigts? ». Et à la lecture, comment percevoir les objets ? Ou bien, les objets deviennent-ils des obstacles, rendant la lecture inaccessible ? Ou plus simplement, à l’article « Objet » (peinture) de Jaucourt, il est défini de la façon suivante : « Objet, (Peinture.) c'est ce qui attire nos regards. Il vaut mieux dans un tableau laisser quelque chose à desirer, que de fatiguer les yeux du spectateur par une trop grande multiplicité d'objets. On reconnoît le goût sûr & délicat d'un artiste, au choix des incidens qu'il fait entrer dans un sujet, à son attention de n'employer rien que de piquant, à rejetter ce qui est fade & puérile, enfin à composer un tout auquel chaque objet en particulier soit comme nécessairement lié; mais voyez des détails plus intéressans au mot SujetPeinture. (D. J.) »  (vol. 11, p. 32). Alors, entre autres, quels objets l’écrivain a-t-il sélectionné ? Quels liens entretiennent-ils avec les sujets et les personnages ?  Quel est le statut de l’objet ? L’objet livresque est-il toujours fragment liminaire ? S’évanouit-il en sa place comme par magie ?

Nous lirons Manon Lescaut, Jacques le fataliste, Le Diable amoureux, Les Lettres d’une péruvienne, Zulma : fragment d'un ouvrage.